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20 juillet 2017

Quels nouveaux managers pour la société 4.0 ?

Par Gaëlle Monteiller.
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Les défis managériaux de l’ère connectée, une nouvelle société se construit sur un mode beaucoup plus collaboratif.

 

La société 4.0 se caractérise par l’émergence et la diffusion rapide de nouveaux usages de l’information et des pratiques de consommation. Au travers d’internet et des réseaux sociaux, des nouvelles plates-formes de partage d’expérience, d’expertise, de biens ou de services, des MOOCs… chacun peut accéder à des connaissances quasi infinies, contribuer, enrichir, partager ou simplement coopérer : une nouvelle société se construit ainsi sur un mode beaucoup plus collaboratif.

L’industrie 4.0, quant à elle, vise une efficacité toujours plus grande des process, un raccourcissement des délais « order to delivery », par l’exploitation de la puissance toujours renforcée des moyens de communication et de robotisation : elle se réfère à la quatrième révolution industrielle, celle qui après la machine à vapeur, l’électricité, l’informatique intègre désormais la transformation numérique de la société et tous les bouleversements de la supply chain qu’elle engendre. Ce ne sont plus les hommes qui communiquent entre eux : ils programment des machines et des robots qui communiquent entre eux, démultipliant à l’extrême les échanges d’informations instantanées. L’usine n’est plus une entité fermée limitée à ses murs d’enceinte, elle devient l’un des nœuds d’une immense toile interconnectée, entre ses fournisseurs, ses clients, ses partenaires… L’usine ne ressemble plus aux lignes d’opérateurs managés par des contremaitres : les robots et les systèmes cyber-physiques forment un réseau de communication continue et instantanée qui pilote de façon autonome et relie entre eux les différentes machines et postes de travail de l’ensemble des acteurs internes et externes à l’entreprise.. Autodiagnostic et conduite automatisée à distance de l’outil de production, personnalisation des produits en conception ou en cours de fabrication, traçabilité kilomètre par kilomètre de l’acheminement de la commande… sont aujourd’hui possibles.

Toutes ces révolutions donnent le vertige : les usines semblent pouvoir tourner entièrement seules, managées par des automates et des robots ; les flux d’information semblent pouvoir tout submerger et le spectre de Big Brother n’est pas loin. Dans les entreprises, les employés, à l’instar de l’omniprésence des objets connectés dans leur sphère personnelle, ont de plus en plus d’exigences légitimes en termes de fonctionnalités collaboratives, d’ouverture, de partage, d’accès à l’information. Mais la conséquence principale de ce qui devrait être un facteur de liberté et d’agilité dans l’entreprise est la disparition des barrières spatio-temporelles, la multiplication des indicateurs suivis en temps réel et l’apparition d’une peur diffuse de ne plus pouvoir maitriser cet environnement ou de perdre le contrôle de la situation. C’est le premier enjeu du management d’aujourd’hui : face à cette vision déshumanisée de l’entreprise faite de robots et de chiffres, comment redonner du sens à l’action de chacun, comment faire émerger une véritable efficacité collective et retrouver un engagement qui tend à disparaître ? Le rapport Gallup 2015 indiquait en effet qu’au niveau mondial, seuls 13% des salariés des organisations et entreprises sont engagés et ressentent du plaisir au travail.

La société 4.0 questionne ensuite, d’une autre façon tout aussi fondamentale, les modèles managériaux traditionnels : alors que jusqu’à une période récente, il était entendu que les idées, les actions et les grandes orientations stratégiques étaient décidées par le « haut » (décideurs économiques ou politiques), la société 4.0 inverse le mouvement, faisant émerger du terrain et des communautés d’internautes, d’autres solutions, d’autres comportements, d’autres propositions. La force d’action de cette « base » est d’autant plus forte qu’elle est désormais démultipliée par une puissance renouvelée des outils numériques et la généralisation de leur accès. Ne pas écouter ces mutations, ignorer ces propositions exposent l’entreprise au risque de perdre ses talents, de démotiver, de ne pas anticiper les révolutions et de disparaitre au profit de nouveaux acteurs.

Ces transformations majeures de la société placent l’entreprise face à trois défis managériaux qu’elle ne peut ignorer si elle veut conserver sa place dans le monde de demain. Ces révolutions, au cœur de l’efficacité collective, modifient en profondeur l’image et les qualités attendues du leader de demain. Ces défis sont les suivants :

  • une orientation inéluctable vers une approche collaborative dans tous les domaines par opposition à l’approche taylorienne séparant savoir et exécution. L’esprit 2.0 renverse le modèle managérial classique « command and control » où le manager sait et parle quand les collaborateurs écoutent : il s’agit aujourd’hui de co-construire : le manager écoute, les collaborateurs parlent, ensemble ils construisent. Mais aborder la transformation managériale 2.0 ne peut se limiter à la mise en place d’outils collaboratifs qu’elles qu’en soient leur puissance et leur accessibilité. Ces outils ne rendront pas les employés collaboratifs, c’est l’esprit et la culture managériale en place, qui entraineront le mouvement de coconstruction. Les outils ne sont qu’un moyen qui ne peut délivrer toute sa puissance sans une culture et des organisations propices à leurs conception, appropriation et déploiement efficaces. C’est au manager lui-même qu’il revient de créer le terrain propice au déploiement de l’intelligence collective, de créer l’esprit collectif d’équipe essentiel à la performance, un terrain où la confiance permettra le partage, où le respect et l’écoute permettront à chacun de trouver sa place et d’avoir envie de collaborer à l’œuvre collective. L’efficacité collective repose sur une organisation et une culture cohérentes avec les choix numériques de l’entreprise.
  • face à la perte de repères, les salariés recherchent de la cohérence dans leur vie, un sens à donner à leurs actions et se raccrochent à des valeurs universelles de respect, confiance et reconnaissance. Ils ne recherchent plus dans leur supérieur hiérarchique la figure paternelle qui va leur donner des ordres ; ils recherchent une vision, un enthousiasme voire un rêve qui les inspire et les rassemble autour d’objectifs communs. Le statut de chef n’est plus donné par le titre ou le diplôme mais par la capacité à fédérer, à entrainer, à donner envie aux équipes de suivre, de s’engager et de réussir. Et c’est sur cette capacité précisément du manager, quel que soit son niveau, que repose l’efficacité de ces nouvelles approches et organisations, donnant une importance accrue à la sélection des managers sur de nouvelles compétences et qualités humaines.
  • enfin, l’émergence de nouvelles « compétences numériques » complémentaires de celles traditionnelles des ingénieurs et techniciens. Les possesseurs de ces compétences vont détenir un pouvoir difficile à imaginer mais qui pourrait devenir redoutable. Ceux-ci savent faire émerger toutes sortes de données, les trier, les exploiter, les montrer ou… les cacher . L’information numérique croit exponentiellement et nous ne connaissons pas aujourd’hui les limites des outils associés tant dans les domaines métiers que dans ceux de l’image, du marketing et du développement commercial. Intégrer la communauté des « geeks » et autres jeunes talents pour éviter qu’ils ne se sentent rejetés ou incompris et que leur force mal maitrisée se transforme en contre-pouvoir est essentiel. Ces nouvelles compétences vont bousculer les organigrammes et organisations classiques et les structures collaboratives de demain restent encore à imaginer.

 En conclusion, il apparait clairement que face à cet affolement des potentialités du numérique et de la robotique, qui rassemblent désormais dans leurs cerveaux artificiels des connaissances et une capacité d’apprendre vertigineuses, l’homme a plus que jamais un rôle essentiel à jouer dans la gouvernance des organisations et le développement harmonieux des équipes pour maitriser le mouvement et garantir l’efficacité collective. Seul l’homme et le manager dans l’entreprise peuvent poser les garde-fous et inscrire ces évolutions dans une perspective positive, pleine de sens et d’espoir pour une société humaniste où chacun trouvera le sens de sa vie.

Au-delà de l’acquisition importante d’un socle de compétences académiques nécessaires à la compréhension des différents métiers et techniques, les qualités humaines du manager deviennent aujourd’hui aussi importantes voire plus importantes que les connaissances elles mêmes. Ce qui fera la différence entre les talents des différents managers, ce sera leur capacité à écouter et intégrer toutes les communautés de talents, à donner une vision, à donner confiance et à entrainer les équipes dans une aventure partagée fût-elle encore inconnue. Les entreprises qui sauront créer cette culture managériale, qui mettront en place les organisations collaboratives agiles associées, attireront les meilleurs talents qui imagineront et co-construiront le monde de demain.

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